Deux Euros pour libérer une maison du Marché !

Publié le par liberer-le-108.over-blog.com

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Peinture de Magritte « POITRINE »

 

« Tout s’échange, tout se vend, donc l’invendable devient ce qu’il y a de plus précieux. Tout s’emploie à l’empêcher ? Raison de plus ». Sollers.

 

Voilà une année que je parcours les rues de Bruxelles à la recherche d’un trèfle à quatre feuilles…en vain ! Et puis dans la nuit du 4 mai à trois heures du matin, une illumination !
Nous habitons une maison (le 108) depuis une quinzaine d’années, en 2009, la propriétaire meurt et cède son bien à une fondation. En mai de la même année, quatre loubards du Système, en costume armani « plus becquetés d’oiseaux que dés à coudre », débarquent dans « ma » maison pour la mettre en vente. Nous entrons dans une longue nuit d’un an.
C’est vrai, je n’avais jamais été un bon belge, la brique je l’ai toujours eu dans la tête, et vécu de bric et de broc…pas sérieux pour un père de famille nombreuse et donc pour des raisons mi-obscures mais aussi financières, je n’ai jamais vraiment voulu devenir comme on dit « propriétaire ». J’ai toujours été locataire (35 ans). Puisque comme chacun sait le vocabulaire du logement est très limité, il ne connaît que deux « races » : les proprios ou les locatos…les sqwatos, sdfos et les vagabondos n’étant pas vraiment reconnus.
Je traînais donc entre regrets et nostalgie, mêlés d’une pointe de jalousie et d’envie – « on aurait dû acheter avant l’arrivée de l’Europe, etc… » jusqu’à ce que je me retrouve quasi à la rue, en effet, en quinze ans le marché immobilier (qui n’a d’immobile  que le nom) s’est mis à flamber ! Je me retourne…je me retrouve non seulement dans l’impossibilité  d’acheter et même plus de louer…Bruxelles me dit : « Buiten ! Plus de gens comme toi ici… ». Chacun peut le savoir, quand on se met à entendre parler le marché c’est souvent trop tard, il aboie, il ne peut aboyer que des ordres d’expulsions, ce ne sont pas les américains, les grecs, africains ou haïtiens qui me contrediront…Et c’est là, au milieu de ma «longue nuit » que m’est venue l’idée géniale (ou grotesque, c’est selon) de m’adresser à l’Inconnu et lui proposer un marché ou plutôt une sortie du marché. « tenir le pas gagné, dure nuit ». Comment ?
Si on suppose que 200.000 (deux cent mille) personnes versent 2 euros, eh bien alors on pourrait acheter la maison du 108. Simple, non ?
Quel intérêt ?
Plusieurs.
D’abord, pour ma famille qui pourrait continuer de l’habiter…
Jusque là on peut dire plutôt grotesque que génial, d’accord.
Mais si on va un peu plus loin, ça donne quelque chose comme ceci 200.000 versent 2 euros pour l’achat du « 108 » (une maison habitée porte toujours un nom, c’est comme ça qu’on les reconnaît) mais ça ne produit pas pour autant un titre de propriétaire, ça rendrait juste le « 108  Habitable ». Autrement dit, l’achat des 200.000 sortirait le « 108 » du parc immobilier ; l’opération aura crée un trou dans la notion de propriété privée…
Comment ? Pourquoi ?
Cette maison ainsi « libérée » à coups de 2 euros ne serait plus jamais ni vendue, ni louée mais rendue habitable (voir le texte en annexe sur « habiter poétiquement »). D’abord, par ses habitants premiers disons pendant une quinzaine d’années et puis cédée, hors de toute transaction, à l’un des donateurs de 2 euros (disons par tirage au sort), celui-ci s’engagerait à l’habiter  (sans frais) pendant une quinzaine d’années avant de la céder à son tour à un autre et ainsi de suite pour les siècles des siècles, Amen !
Il faut préciser que cet « acte » ne peut être en aucun cas considéré comme une mendicité (c’est une forme de don qui au contraire de vous appauvrir, vous enrichi) ni comme un achat collectif mais en collectif pour un habitant à la fois. On ne peut habiter qu’un par un , c’est comme ça !
Vous me direz, pas tous les 200.000 ne pourront devenir habitants du « 108 », c’est vrai ! Mais je propose de faire figurer, sur la façade du 108, le nom de chacun des donateurs…piètre consolation, me direz-vous. Sans doute ! Mais, il aurait eu le bonheur de participer à une opération anti-marché immobilier. Ainsi avec 2 euros, il achèterait ce qui n’a pas de prix : commettre un acte subversif majeur et qui je crois n’a pas d’équivalent connu : la libération d’une maison du marché immobilier. Le fait d’avoir rendu une maison impropre à la spéculation immobilière, de l’avoir rendu à l’habitant…HA/habiter !
D’avoir mis le rire côté habitant (une première) plutôt que côté cigare du spéculateur.
C’est comme jeter 2 euros de cailloux dans la chaussure du marché…
 « et nous habiterons en nous amusant »

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Gordon Matta-Clark

 

 

Mais pourquoi pas avec une autre maison, n’importe laquelle ? C’est possible, mais pas pour moi, parce que ça ne peut se faire qu’avec une maison habitée, càd hantée par un désir et rien ne dit que j’habiterai une autre maison…habiter ça n’arrive pas tous les jours, pour ma part, c’est la première fois que j’habite.

Voyez cette maison est habitée, elle danse…

Si ça rate partiellement, je m’engage à verser l’argent récolté à l’ALMK (association de locataires de Molenbeek, ceux qui m’ont appris « l’habiter poétique »).
Si ça rate ? Alors j’habiterai dans les souffles de Miles ou rue de la Sardine : « la rue de la Sardine est un poème, une puanteur, un vacarme, une qualité de lumière, un ton, une habitude, une nostalgie, un rêve » du Steinbeck, la première phrase de « La rue de la Sardine ». Ou  dans la ville : « la vache-de-mille-couleurs », dans l’ombre du grand danseur Zarha/ha « mais je demande là une chose impossible : alors je prie ma fierté de toujours accompagner ma finesse. Et si ma finesse un jour m’abandonne- Hélas ! elle aime s’envoler- que ma fierté  alors vole avec ma folie.
-Ainsi commença le déclin de Zarthoustra. »
J’aime ceux qui ne savent pas vivre à moins qu’ils ne déclinent car ce sont eux qui vont au-delà d’eux-mêmes.

Il paraît que les propriétaires ont le nez fin…demandez au peintre Magritte, lui aussi, dans une période difficile, propose à son propriétaire de payer son loyer avec des toiles. Il refuse. Idem, pour le boucher de Van Gogh, quand je vous disais que le devenir propriétaire se paie en perte des sens…proprio, dieu m’en garde. Dans le fond, je vais vous dire, il y a une façon de vivre le dénuement qui garde l’esprit en alerte…
Je vous salue et vous souhaite dix éclats de rire par jour…EN l’an 122, selon le calendrier nietzschéen.
z’Ielinski- 108, rue de la Sardine.

Ps : Nous avons rencontré aujourd’hui un agent du système bancaire (rien perdu de leur arrogance, ces canailles), à ses :« Combiens » quand il entend : « chômeur », son doigt sur l’ordinateur s’arrête net, il relève sa tête de canni-à-deux-balles et dit : « ça ne pèse pas lourd »…
 « Qu’est-ce qui est lourd ? demande l’esprit qui endure, et pareil au chameau il s’agenouille et veut qu’on le charge bien…L’esprit qui endure assume tout ce qui est lourd ; et pareil au chameau qui une fois chargé se presse d’aller au désert, il le gagne en hâte pour devenir seigneur de son propre désert ».
Néanmoins j’ai appris qu’il y a peu, les banques ne pouvaient (lire : voulaient) pas prendre en considération les allocations de chômage pour le dossier (ils disent « en béton » ou « pas lourd ») de prêt hypothécaire, conclusion : un chômeur ne pouvait pas acheter de maison. Mais ajoute-t-elle, heureusement les choses ont changé : « aujourd’hui, on peut en tenir compte… à 80% ».
2 euros pour clouer le bec à ces serviteurs zélés….mettre un terme « à l’esprit corvéable qui renonce et qui respecte » et ouvrir un  temps pour de nouvelles valeurs.

 

 

Verser les deux euros  avec mention « Comité 108 » au compte : 
 
IBAN  BE14 0631 5912 3683 
BIC : GKCCBEBB (pour l’étranger)


Vous pouvez suivre le développement de l’opération « 108 » et apporter vos commentaires sur le blog : « liberer-le-108.over-blog.com »

L’opération se terminera le 11 octobre 2010 (d’ici là la maison devrait être vendue).

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Gordon Matta-Clark

Icône de la scène artistique alternative des années 1970, Gordon Matta-Clark  s'illustre par ses créations à contre-courant de l'architecture traditionnelle. Fils d'un couple d'artistes américano-chilien, il étudie l'urbanisme à l'Université de Cornell et la littérature française à la Sorbonne  durant les manifestations de 1968. Influencé par la philosophie déconstructiviste, il décide de repenser des agencements existants (comme une maison) et d'en détourner le sens ou la fonction. Avec 'Splitting', il met son projet à exécution et tranche en deux un pavillon à l'aide d'une tronçonneuse. Ses 'building cut' deviennent rapidement ses marques de fabrique, de surcroît tous achevés par leur destruction brutale et massive. En 1972, naît sa monographie 'Open House', construite à partir de matériaux abandonnés. Dans le même esprit, son 'Office baroque', détournement d'un immeuble vide, crée l'événement en 1977. Touche-à-tout assoiffé d'expériences inédites, Gordon Matta-Clark se distingue aussi bien derrière une caméra, un appareil photo, une chorégraphie qu'aux commandes d'un... restaurant. Il fonde en effet le Food en 1971, rendez-vous des artistes new-yorkais dans le quartier de Soho. Fondateur du mouvement contestataire 'Anarchitecture' en 1973, Gordon Matta-Clark reste après sa mort soudaine en 1978, l'un des artistes les plus influents de son époque et encore largement admiré.

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D
<br /> <br /> En Bolivie, il existe une autre forme pour occuper un logement que le loyer ou l'achat: l'anticretico, qui consiste à verser une somme déterminée pour un temps déterminé afin d'habiter un<br /> appartement ou une maison. A la fin de cette période, le propriétaire rembourse intégralement la somme versée.<br /> <br /> <br /> La crise ok, on la reçoit 5 sur 5. Pourtant malgré elle aucune souplesse administrative n'est accordée pour imaginer un autre type d'habitat. Et non pas par esprit bohème, écologique,<br /> anarchique...mais par l'impossibilité financière d'accéder au logement traditionnel. Je pense àl'habitat mobile tels que les caravanes, péniches ou autres non reconnu comme domicile, sauf dans<br /> quelques lieux réglementés. Sans domiciliation un citoyen perd ses droits... Donc l'impossibilité pour certains d'un logement officiel mais quand même l'obligation.Une maison en briques pour que<br /> le loup souffle pas dessus.<br /> <br /> <br /> Loin de moi l'idée de faire place aux bidonvilles, mais oui au brics et brocs de notre inventitivité. Ah oui, vous devez vous dire que j'ai pas bien suivi l'actualité: les roms, en Roumanie, les<br /> SDF n'ont qu'à bien se couvrir même si c'est pas le cas de l'indice boursier...Bon c'était juste quelques mots et une pensée au facteur cheval. " Poètes   vos papiers!"<br /> <br /> <br /> Bon vent au 108.<br /> <br /> <br /> Sandra<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
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J
<br /> <br /> Très cher Thomas,<br /> <br /> <br /> J'ai lu votre texte, je devrais dire goûter, comme croqué dans une tartine à la confiture. Vous connaissez le problème de la bonne confiture, elle doit être coulante, on finit par s'en mettre<br /> partout, du coup on se lèche les doigts.Tant pis pour lesz tâches! Le "108" comme une tâche de confiture sur la nappe du banquet du Marché!<br /> <br /> <br /> Par vagues, vaguelettes ou mieux goutellettes (lire "l'amour de l'eau" de Fuentes) ou mieux encore goûtelettes ou encore mieux goûtelettres, comme la vôtre...<br /> <br /> <br /> Le sable...plutôt la réalité qui me semble un désert...le rêve, idem,enfin cauchemar...un rêve à deux balles! La clef et la clé...clé des rêves, clef des champs, à la fin, les poches crevées<br /> (voir rimbaud)...le problème avec les clefs c'est de ne pas finir dans les trous de serrures. Qu'est-ce que je veux dire? je ne sais pas, disons que ça n'a pas grand-chose à voir avec des<br /> porte-clés ni clé sur porte...le 108, je le vois comme "une flèche de beauté" et les boules de lotto me semblent bien pauvres pour pouvoir l'atteindre. Trop tard! Un coup de dé n'abolira<br /> jamais le hasard!<br /> <br /> <br /> Quant à l'avancement du projet...comprenez-vous que le jet est déjà trop loin pour être "pro". je me permets d'être suffisament confus avec vous, j'y puise l'autorisation dans votre texte. bien<br /> que le "108" ne s'évalue pas en terme comptable, je ne suis pas assez fou pour imaginer que je ne suis pas redevable de compte...vos deux euros sont bien au chaud et je veillerai à ce qu'ils<br /> trouvent leur destinataire au moment venu...Si vous voulez en savoir plus, rendez-vous à la rubrique commentaires sous le dernier texte du Blog puisque une autre personne a demandé la publication<br /> "d'un rapport financier"...oups!<br /> <br /> <br /> Je profite de l'ocasion pour trouver "Elsa-Mahdia-Anton" de biens jolis prénoms...bonne chance à eux!<br /> <br /> <br /> A vous lire<br /> <br /> <br /> JZ<br /> <br /> <br /> <br />
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T
<br /> <br /> PS. Pourrait-on connaître l'avancement du projet ?<br /> <br /> <br /> <br />
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T
<br /> <br /> Bonjour,<br /> <br /> <br /> La société fourmille d'actions intéressantes, de gens intéressants, énormément de personnes qui rêvent d'un monde différent (plus humain, plus respectueux, plus écologiste, etc. beaucoup de plus<br /> ;-) ). Je me suis engagé dans plusieurs mouvements à la recherche d'une alternative, mais personnellement je trouvais que beaucoup manquaient et d'une volonté à long terme et d'une autocritique<br /> assez poussée pour y arriver. D'ailleurs depuis que les organisations "alter" existent, on n’a pas réduit la faim dans le monde, on a pas arrêté l'érosion écologique, on a pas apporté la<br /> démocratie réelle, dommage. On a seulement créé des îlots. Certains philosophes parlent de chenille et de chrysalide avant l'avènement du papillon, soit, on verra (ou pas). Je ne m'en inquiète<br /> pas, car je crois qu'il est extrêmement difficile à une société complexe telle que la société humaine, terriblement humaine (mais du coup aussi formidablement intéressante comme par ailleurs les<br /> complexités-variations de la vie, non?) de changer de façon décidé, programmé. Si elle se fait, elle se fera peut-être à partir de certains îlots, par vagues, par nécessité, par besoin<br /> "d'oxygène". J'espère que cela ne coûtera pas trop de vies, pas trop de peines. <br /> <br /> <br /> Je parle, je parle, mais revenons à votre projet. Je le soutiens moi, et à fond. Parce que c'est un projet simple, un projet îlot, et je rêve que cet îlot ressemble au sable du sablier qui fait<br /> couler le sable des rêves dans la réalité et s'oppose aux flots des gens qui ne veulent plus y croire ! J’espère qu'on y plantera un arbre ;-) et qu'on continuera à y rêver et à semer d'autres<br /> îles...<br /> <br /> <br /> Je rêve, et c'est peu de choses 2 EUR pour ce rêve.<br /> <br /> <br /> Certains me disent qu'ils préfèrent les donner à la loterie, que de toute façon cela ne marchera pas, etc.<br /> <br /> <br /> Etonnant non, d'avoir ce petit bout de rêve au bout de 2 EUR et de ne quand-même pas vouloir le tenter.<br /> <br /> <br /> Hier soir j'ai trouvé sur un banc une très belle clef. J'ai hésité à la prendre avec. Elle ressemblait tellement à la clef des rêves. J'étais avec une amie qui m'a dit: « mais non laisse<br /> cette clef là - si quelqu'un l'a perdue il pourra revenir la chercher ». Je l'ai laissée là et j'ai empoché l'idée.<br /> <br /> <br /> Votre action c'est comme une clé qui appartient à tout le monde. A celles et ceux qui veulent d'ouvrir cette porte et de laisser la clé aussi aux autres.<br /> <br /> <br /> Merci !<br /> Thomas<br /> <br /> <br /> <br />
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V
<br /> <br /> Vive le blog du 108, Miles, Fernando, Bashung, Lacan, Céline, Tchang (Jaki), Belmondo, Sollers, don't Panique! Abat les rues en pentes, les maisons qui portent sans petit clou le numéro 108, les<br /> voisins qui font leur cinéma, les étangs, don't Panique! VIVE LAACHEN<br /> <br /> <br /> <br />
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